L’exposition a pour titre À pied, qui loin d’une invitation bucolique à la balade digestive, doit être entendu ici dans son sens littéral comme notre moyen technique de déplacement le plus élémentaire et le plus archaïque. Autour de cette mobilité première s’organisent nos espaces, nos perceptions et nos représentations du monde. « À pied » est donc une façon de rapporter ces représentations du monde aux racines de leurs outils d’élaboration : notre corps planté.
« À pied », c’est aussi la façon dont ont été peints les tableaux réunis pour cette exposition dans l’espace de la galerie anne barrault. Les formes à leur surface ont été inscrites à pied. Qu’elles soient des tracés, des empreintes ou des étendues colorées, elles émergent toutes d’une accumulation de traces déposées lors de séances performées alors que les tableaux sont encore couchés sur le sol. Lors de ces séances, des séquences d’actions qui se répètent en boucle sont exécutées dans la peinture. Quels que soient ces gestes et leur circonstance, d’un simple pas à une chaine opératoire plus complète, ils sont exécutables par tout un chacun sans-savoir faire, pour autant qu’on soit doté d’un phénotype conforme aux standards d’Homo Sapiens. Aucun de ces gestes n’est expressif car aucun ne part d’une intention d’adresser quelque signe que ce soit. Il s’agit plutôt de tracés cartographiant les différentes capacités motrices révélées d’un point de vue purement fonctionnel. Ce relevé est ensuite inscrit dans les dernières traces visibles à la surface des formes par un procédé pictural qui en littéralise le mouvement sous forme de segments vectorialisés.
Ces lignes qui se découpent dans la peinture écrivent des schémas d’actions qui traversent les tableaux et se gravent dans leur mouvement général comme un squelette révélé sous les formes, ou des gestes fossilisés dans leur milieu.
Ces derniers tableaux s’inscrivent dans la continuité de la pratique picturale de Dominique Figarella. Il déclarait à l’occasion d’une intervention publique : « Je n’ai jamais rien fait d’autre que de revenir sur des traces. Pour moi peindre, inscrire des formes sur une surface, se fait toujours en revenant, en réutilisant des traces laissées là précédemment, aussi bien sur le support d’inscription que persistantes dans ma mémoire sous la forme de traces mnésiques. La plupart du temps, il s’agit de les effacer, de les masquer, d’en faire un remploi, de traduire, dissimuler ou travestir, en gros : de les recouvrir. ».
En poursuivant ici la piste des mouvements laissés dans les traces, il transcrit de simple gestes fonctionnels en système d’écriture, et tente ainsi de tenir ensemble symbolique et motricité en les déversant l’un dans l’autre sans jamais les opposer ni les reconduire aux limites conceptuelles réputés distinguer la nature de la culture.
vue de l’exposition à pied de Dominique Figarella
(photographie Aurélien Mole)
Dominique Figarella
La distance au soleil est d’un pied, 2022
acrylique sur alucore, plastique
250 x 300 cm
vue de l’exposition à pied de Dominique Figarella
(photographie Aurélien Mole)
Dominique Figarella
Dictée (la gousse d’ail), 2022
acrylique sur alucore
130 x 150 cm
Dominique Figarella
Homo Sapiens, 2020
acrylique sur alucore
200 x 300 x 4 cm
Dominique Figarella
Burn, 2022
acrylique sur alucore / acrylic on alucore
130 x 150 cm
Dominique Figarella
Act of tenderness, 2022
acrylique sur alucore / acrylic on alucore
79 x 54 cm
Dominique Figarella
Talk Normal, 2022
acrylique sur alucore, plastique
75 x 65 cm