Euridice Zaituna Kala

En quelques gestes: as if two suns were setting

31 août - 5 octobre 2024


La galerie Anne Barrault est très heureuse d’accueillir la première exposition personnelle d’Euridice Zaituna Kala dans son espace.

En quelques gestes : as if two suns were setting développe une réflexion sur l’architecture dans la ville et la question du paysage urbain ultra exploité par l’homme face à la nature environnante.

Lauréate de la résidence de recherche à la Villa Albertine (2022/2023), Euridice Zaituna Kala a souhaité mettre en lumière la relation entre l’architecture de la ville de New York et son intrinsèque lien avec l’eau pour rendre ainsi visible le rapport de domination résultant de l’histoire coloniale qui s’y établit et faire apparaître le concept de ville liquide. L’artiste a étudié la topographie de la ville de New York : son environnement, son aménagement, ses constructions et ceux qui les occupent. Elle a notamment analysé le rôle de l’eau; élément qui encercle la ville, et qui constitue une frontière vivante et affirme la limite du pouvoir de l’homme sur son milieu.

Dans le prolongement de son travail autour de l’archive, Euridice Zaituna Kala s’est aussi intéressée à l’histoire de la ville de New York dont le développement est profondément lié à une dissimulation des sources d’eau, de sa formation et jusqu’à la colonisation. À l’origine, c’est la nation autochtone des Lenapes qui a habité dans les hauteurs de la ville, alors constituée d’une succession de collines et de rivières, aujourd’hui aplanies par l’urbanisme. Ainsi, Manhattan vient de MannaHatta qui signifie : « l’île aux nombreuses collines » aujourd’hui remplacée par les gratte-ciels.

Dans ses recherches sur les notions de l’architecture contemporaine instrumentalisée comme un soft power, Euridice Zaituna Kala s’intéresse à la fois aux ensembles de gratte-ciels résidentiels et luxueux de Manhattan, ainsi qu’aux projets de logements sociaux situés dans et autour de la ville, majoritairement habités par des populations noires-américaines et latino- américaines. Cette réflexion l’a amenée à constater l’inégalité sociale que cette architecture reflète : les gratte-ciels dominent la ville et occupent le ciel, quand au même moment les logements des quartiers plus modestes subissent la montée des eaux causée par le changement climatique. Les habitants des quartiers comme Queens, le Bronx, Brooklyn et Harlem souffrent d’importantes inondations à chaque tempête ou pluies importantes. Il se joue alors une réelle tension entre le niveau de l’eau et la hauteur des bâtiments – toujours plus hauts – comme une course ascensionnelle.

Les œuvres produites pour cette exposition sont le résultat des recherches développées par l’artiste durant sa résidence à New York. Là, elle a participé à des initiatives environnementales avec des associations locales comme Guardians of Flushing Bay (Flushing Meadows, Corona Park, Queens), qui abordent les questions essentielles d’urbanisme climatique comme le daylighting1 qui propose la révélation systématique des sources d’eau pour créer une barrière résiliente et protectrice, faire revenir un écosystème durable des espaces publics partagés : un paysage qui réconcilie le rapport ville, nature, et architecture. Ces sites sont aujourd’hui devenus les causes majeures de fragilité, entraînant des débordements d’égouts dans l’océan, des décharges de produits chimiques dans les réseaux d’eau potable et la déformation du sol devenu perméable.

Pour son exposition à la galerie, Euridice Zaituna Kala imagine à partir de la verticalité, que représente le pouvoir, un entre-espace où l’architecture apparaît comme un outil d’oppression, de contrôle, mais aussi un moyen de refléter, d’intégrer ou d’invisibiliser le corps de l’autre. Elle met ainsi en perspective la hiérarchie de ce paysage urbain qui révèle l’absence et la transparence d’une partie de ses propres habitants.

En employant des techniques du cinéma comme la nuit américaine2 pour explorer toute une série d’images parlant de cette cartographie imaginée, de la révélation de l’eau et des iconographies du futur qui questionnent la présence des peuples autochtones et représentent la minorité contemporaine.

Dans son rapport d’ultra ville, la ville de New York est la ville rêvée, la ville qui ne dort pas; comme un soleil qui ne se coucherait jamais.
“Si tu ne dors pas, quand est-ce que tu as le temps de rêver?” Alok Vaid-Menon

À partir d’enregistrements de documents d’archive, de captation de conversations et de déambulations réalisées dans la ville de New York, Euridice Zaituna Kala compose un récit pour mettre en scène une exploration de l’archive dans l’espace. Par le biais de sculptures de verre mélangeant images et reflets, elle façonne une représentation de cet espace. Le verre lui permet de créer des lieux « hétérotopiques », des lieux autres (concept développé par Michel Foucault dans une conférence « Des espaces autres », 1967), qui font écho aux grattes-ciel. S’inspirant de la cartographie historique et actuelle de New York, Euridice Zaituna Kala cherche à façonner de nouvelles géographies qui tiennent compte des évolutions de l’architecture par rapport à un écosystème sensible.

 

1 le concept vise à libérer ces ruisseaux en les remontant à la surface, à la lumière du jour.

2 la nuit américaine est une scène cinématographique d’extérieur censée se dérouler la nuit, mais tournée en plein jour grâce à des artifices d’éclairage.
3 Alok Vaid-Menon est un.e artiste non-binaire/transfem, écrivain.e, performeur.euse, comédien.ne, militant.e pour les droits LGBTQIA+

Euridice Zaituna Kala remercie pour son soutien la Villa Albertine, le centre d’art La Criée (Rennes), ainsi que Bétonsalon.

A l’occasion de son exposition, Euridice Zaituna Kala invitera Manthia Diawara a présenté son film « AI: African Intelligence »
au cinéma l’Archipel, le 3 septembre 2024 à 20h

Euridice Zaituna Kala, After the floods/architectur Brooklyn, 2023, photographie couleur

Euridice Zaituna Kala, Past Relics II, 2023, photographie noir et blanc