Guillaume Pinard

Tomate

4 septembre - 23 octobre 2010


Guillaume Pinard profite d’un retour à la galerie Anne Barrault pour se rappeler une pratique fondamentale, mise de côté par déviation et qui s’invite de nouveau dans la ronde de ses inclinations : la sacro-sainte peinture à l’huile. Le temps de cette nouvelle exposition, il oublie le noir et blanc râpeux de ses figures spectrales et agitées, le compulsif de la trace, la jouissance immédiate du fusain, pour une peinture manifestement émancipée, colorée, physique et laborieuse.

Guillaume Pinard Tomate

Ainsi s’opère le mouvement de ses pratiques. De la pointe grasse à la bille sèche, du calcul séquentiel d’animation au brossé du pinceau, c’est par le procédé, la pratique, que se construit le trait, l’intention. Ici, c’est une composition à choix multiples qui est à ordonner : toile, pigments, résidus, couleurs, autant d’éléments à maitriser, contre lesquels il faut aussi lutter – on comprend le contournement du début, le détour plus rassurant vers l’illustration et le dessin.

C’est en empruntant à l’esthétique de l’enfance que Guillaume Pinard s’applique à la tâche et s’aventure dans l’adipeux de l’épreuve à l’huile. Il crée des motifs radiants, exaltés, vifs. De façon volontairement scolaire, il les encadre de perspectives élémentaires et étroites. Il les isole dans une sorte de contenant sans emballage, une boîte ouverte sûrement pas par accident, pour dévoiler le « Oups, désolé ! Moi, c’est aussi ça ! » de leur nature cachée. Qu’ils soient lapin solaire, adepte du jus de trombine, cheval à la fierté membrée, vierge entendant méchamment le rester ou vase sévèrement fleuri, les figures de Guillaume Pinard révèlent son obsession de la lisibilité. L’utilisation des codes du dessin régressif joue de cette hantise. Formes accessibles, coloration simple, mise en situation académique. Dans le sujet comme dans la matière, ce qui est donné à voir doit être admis, saisi dans l’immédiat. Tout doit être clair. Rien ne doit susciter l’interprétation. Un cheval qui bande est un cheval heureux, voilà tout. De même, et sans en avoir les contours apparents – au sens où on entend qu’elle est matière élaborée, raffinée ou son stricte contraire – la peinture à l’huile est une peinture à l’huile parce qu’elle est peinte à l’huile, voilà tout.

Chez Guillaume Pinard, artiste éminemment interdisciplinaire, le support est expression. À travers les salissures inhérentes à l’expérience de la peinture, il nous traduit sa disposition à envisager les pratiques, c’est à dire en fonction. Entre ses différentes formes d’illustrations, l’écriture qui depuis deux ans ressurgit elle aussi, la peinture serait un mouvement, l’expression complémentaire d’une logique. Une logique totale, jubilatoire, qui révèlerait le « Oups, désolé ! Moi, c’est aussi ça ! » de ses envies variées.

Frank G. Richard