Ibrahim Meïté Sikely

Je deviendrai ce que j’aurais dû être

6 septembre - 31 octobre 2025


La galerie anne barrault est heureuse de présenter la première exposition personnelle d’Ibrahim Meïté Sikely.
Né en 1996, Ibrahim Meïté Sikely a obtenu son DNSEP à la Villa Arson à Nice en 2022 et sera fraîchement diplômé de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris au moment de son exposition.
Il présentera un nouveau corpus d’œuvres où se rejouent et déjouent des rapports de forces et de pouvoirs. En se mettant en scène avec ses proches, par le biais de détournements mêlant fiction et réalisme, il crée des fables personnelles qui lui permettent d’interroger les déterminismes sociaux. 

 

« ON VA LES CHOQUER » c’est la dernière phrase du dernier message vocal qu’Ibrahim m’a envoyé.
Quand on était un peu plus jeunes il aimait souvent parler de brillance pour parler des personnes qui l’inspiraient et qu’il finissait par peindre.
Le connaissant et en observant la manière dont il employait ce terme, je comprenais qu’il ne l’utilisait pas, comme souvent, pour acclamer l’éloquence d’un individu et ses prouesses académiques, mais littéralement comme pour parler des reflets colorés et lumineux que l’on retrouve dans la nature.
Il savait voir chez toustes, leurs couleurs, leurs chatoiements, leurs reflets, il voyait leur aura lumineuse sans qu’iels aient besoin d’être sous leur meilleur jour, sans leurs masques, sans que quelqu’un.e d’autre n’ait à lui mettre de loupe sous les yeux, sans une quelconque invitation ou autorisation.
Quelques temps plus tard, fatigué par les attentes d’ « excellence » portées vers les fameux enfants d’immigrés, ne s’identifiant pas aux discours, portraits, albums photos-i*stagr*m des familles et enfants apparemment modèles qui nous encerclaient, par peur de ne pas être compris, Ibrahim s’est mit à rejeter le mot brillance autant qu’il rejetait le mot « excellence ».

Il m’a dit «je veux faire des peintures turbulentes !!! » et c’est ce qu’il a fait.
C’était dur de voir Ibrahim cette année, car il était trop occupé à rendre à grands coups de pinceaux hommage aux cancres, car oui turbulence c’est le mot le plus droitement sorti du bulletin scolaire de celles et ceux qu’on regarde de travers.

Brunes-Dorées Tapageuses, couches d’huile fourmillantes, roses-irisées tendres et mélancoliques, rouges cosmiques, hyperactif.ves de tous les genres et horizons.

Ses compositions, ses couleurs, sa patte, ses personnages étaient à l’image de cette promesse de turbulence, À PART si l’on considère sa vitesse tourbillonnaire, seul son rythme de travail présentait une trop grande régularité, (si ce n’est un véritable acharnement) pour être qualifié par ce mot.

C’est dans cet acharnement qu’il s’est plongé pour pa(e)nser ses maux et je crois qu’il espère que celui-ci pansera un peu les vôtres aussi.

L’enfant turbulent a toujours été celle ou celui à qui on retire le plus rapidement le droit à être aimé inconditionnellement, (entre autres droits…)

C’est souvent aussi celle ou celui qui essaie de faire remonter sa moyenne de quelques points grâce aux cours d’arts plastiques.

Petite, le seul poème que j’avais aimé apprendre c’était Le Cancre de Jacques Prévert, publié en 1945,
Je vous laisse le chercher sur internet ou dans un cahier que j’espère froissé et plutôt que de vous le réciter, je vais vous adresser quelques hypothèses (qui n’en sont pas) :

Et si PAR SA DÉSOBÉISSANCE iel était l’enfant préféré.e de dieu ?! N’attendant pas de permission pour mener à bien sa mission.
Dans un monde où toute imprévisibilité est considérée folie, passible d’être jugée appréhendée, anéantie, un monde où les peureux veulent nous contrôler, nous localiser, Et si dans ce monde, la turbulence était notre salut ?!

Si iel était celle ou celui qui s’étant débarrassé des attentes et de la honte, pouvait laisser libre cours à son tourbillon créatif et le cosmos s’exprimer à travers lui ?

Et si cela passait par faire le boucan dans la galaxie, haut-parleur interstellaire compris ? Que le voisin raciste s’adapte ou la ferme à jamais.

Aujourd’hui en tant qu’adulte je vous le dis, être un enfant serviable m’a desservi. J’aime et je respecte l’enfant turbulent plus que tout, car tandis que d’autres comme moi s’effondraient à l’intérieur d’elleux même pour survivre, l’enfant turbulent essayait tant bien que mal d’effondrer la grosse botte qui cherchait à le piétiner, car iel savait en son cœur que cette botte n’était pas dans son droit.

En tous cas, comme on dit,
J’ai une question pour toi qui me lit,
Et pour citer mon cher ami,
t’es bien sympa toi,
Mais …… EST-CE QUE TU CONNAIS UN FOULEK ?

Moi oui, et je t’invite à en faire autant et l’être toi même (si tu ne veux pas passer à côté de la vie).

Neïla Czermak Ichti
août 2025

 

Avec le soutien aux galeries  du Centre national des arts plastiques

 

Ibrahim Meïté Sikely dans son atelier à la Villa Belleville
photo Younes Lagrouni, 2025