Intérieurs

27 janvier - 2 mars 2024


Intérieurs

BERGER&BERGER
KATHARINA BOSSE
BERTRAND DEZOTEUX
TIZIANA LA MELIA
JOCHEN GERNER
JAGDEEP RAINA
STÉPHANIE SAADÉ

 

De nombreux romans et essais sont dédiés au lieu habité; nous pouvons citer le célèbre livre de Georges Perec, Espèce d’espaces, Une chambre à soi de Virgnia Woolf, À rebours de Joris-Karl Huysmans, mais aussi Chez soi de Mona Chollet, Intérieur de Thomas Clerc, La Cache de Christophe Boltanksi, et plus récemment Philosophie de la maison d’Emmanuele Coccia. *

Comme l’écrit Jean-Luc Joly dans la postface du livre de Pérec : « L’espace de notre vie n’est ni continu, ni infini, ni homogène, ni isotrope. Mais sait-on précisément où il se brise, où il se courbe, où il se déconnecte et où il se rassemble ? On sent confusément des fissures, des hiatus, des points de friction, on a parfois la vague impression que ça se coince quelque part, ou que ça éclate, ou que ça cogne. »

 

Tiziana la Melia présentera des tableaux dont la forme s’inspire de la maison, un carré surmonté d’un triangle pour symboliser le toit. Comme elle l’explique, sa famille est venue d’Italie pour s’installer au Canada. En arrivant dans un pays étranger, le besoin de trouver un endroit où vivre et s’enraciner était vital. Pour Tiziana la Melia, ce besoin s’accompagnait aussi d’un sentiment ambivalent. La maison peut être un refuge, mais peut aussi devenir lieu de séquestration pour la femme. Elle se souvient de sa grand-mère en Italie, obligée d’assumer son rôle de « femme d’intérieur ». Quand la maison devient l’unique lieu de vie de la femme, et que la société la qualifie de « femme au foyer ».

Dolores Hayden a consacré un livre « aux premières femmes étasuniennes à avoir identifié l’exploitation économique du travail domestique des femmes par les hommes comme étant à la racine de l’inégalité entre les sexes. « **

 

Berger&Berger présenteront une sélection de publicités issues de magazines d’Architecture français, allemands et italiens des années 1960 à 1980. Ils interrogent l’Histoire de la présence des publicités dans les revues d’architecture et la place de la femme, du corps objetisé et de la figure de l’architecte dans la publicité moderne. Ces images construisent l’idée d’un logement idéal.

(Berger&Berger est représenté par UNBUILT)

 

Stéphanie Saadé présentera Floor Plan. Ici l’artiste, à l’aide d’un papier de verre, est venue prélever une trace de peinture de chacune des pièces qui constituent son appartement. Le papier ponce une fois utilisé compose le plan de son appartement. Paradoxalement en tentant de reproduire son lieu d’habitation à partir du découpage de ce papier abrasif, Stéphanie Saadé nous parle d’exil et de déplacement.

Venir toucher, frotter les murs pour humer l’espace, le comprendre, écouter son histoire, mais aussi laisser une trace avant un nouveau départ. Comme l’explique Emmanuele Coccia dans son livre « la philosophie de la maison », nous investissons des lieux qui ont été habités par des personnes que nous n’avons pas connues, et à notre tour, nous laisserons ces espaces à d’autres arrivants.

 

Jochen Gerner présentera les pages d’un catalogue Ikea qu’il est venu recouvrir intégralement, faisant disparaitre tous les meubles et objets pour que ne reste visible que l’architecture de la pièce.
Le catalogue est chapitré par pièce : Living-Room, Dining, Working, Sleeping… chaque moment de la journée et de la nuit correspond à une pièce. Nous sommes invités à déambuler dans nos habitats en fonction des heures de la journée. L’homme façonne l’espace ou est-ce l’espace qui le façonne ?

Georges Perec proposait dans son livre Espèce d’espaces, « un partage reposant, non plus sur des rythmes circadiens, mais sur des rythmes heptadiens : cela nous donnerait des appartements de sept pièces, respectivement appelées : le lundoir, le mardoir, le mercredoir, le jeudoir, le vendredidoir, le samedoir et le dimanchedoir. »

 

En attendant Mars de Bertrand Dezoteux prend pour modèle Mars 500, un programme expérimental russe de simulation de vie capsulaire entamé en 2010. Il s’agissait de reproduire sur terre, pendant 520 jours, soit la durée du vol aller-retour sur Mars, les conditions de vie d’un équipage dans un espace restreint, étrangement tapissé de lambris, pour mesurer les répercussions physiques et psychologiques d’un tel vol. En attendant Mars rejoue des fragments de cette vie spatiale simulée.

 

Katharina Bosse présentera une photographie intitulée Dean Martin Room. Est-une image publicitaire pour un intérieur, un canapé ou une lampe ? Rien de tout cela. Dans les années 90, l’artiste réalise une série intitulée « Realms of Signs, Realms of Senses » où elle photographie des chambres dans des hôtels interdits au moins de 18 ans. Ces lieux proposent des chambres aux ambiances diverses allant de la prison au boudoir ou encore la salle d’opération. Ici l’architecture devient objet de fantasme.

 

Jagdeep Raina, artiste canadien d’origine cachemire travaille principalement la broderie. Une manière pour lui de renouer avec ses origines. Il reprend une pratique féminine intimement liée à l’intérieur des maisons. Mais ici la maison n’existe plus, depuis 1947 la région du cachemire est écartelée entre trois pays : l’Inde, le Pakistan et la Chine. Dans ses œuvres, il met en place une imagerie qui permet une reconquête fantasmagorique de ce lieu par la transmission, la croyance, la création et l’amour.

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*La poétique de l’espace, Gaston Bachelard, 1957, PUF / Espèce d’espaces de Georges Perec, 1974, Le Seuil /  Une chambre à soi de Virgnia Woolf, 1929, Denoël / À rebours de Joris-Karl Huysmans, 1884 /  Chez soi de Mona Chollet, 2015, éditions La Découverte /  Intérieur de Thomas Clerc, 2013, Gallimard / La Cache de Christophe Boltanksi, 2015, éditions Stock / Philosophie de la maison de Emmanuele Coccia, 2021, Payot et Rivages
mais aussi l’exposition Women House, 2017-2018,commissariat de Camille Morineau et Lucia Pesapanela, à la Monnaie de Paris.

**La grande révolution domestique, une histoire de l’architecture féministe de Dolores Hayden, publié en France en 2023, (1982 aux Etats-Unis).

Jochen Gerner
Sleeping, 2008
série Home
acrylique sur papier imprimé
100 x 144 cm (avec cadre)

 

Berger&Berger
Publicités, 2020
page imprimée et encadrée
24 x 16 cm
pièce unique


Tiziana La Melia
Country Mouse, City Mouse – Love Wisperia, 2020
Huile, pastel et vitrail sur panneau de bois
76 x 61 cm


Stéphanie Saadé
House Plan, 2023
papier à poncer, adhésif, carton
32 x 50  cm (avec cadre)


Bertrand Dezoteux
En attendant Mars, 2017
14 minutes

Jagdeep Raina
Ces chiffres, 2023
broderie sur mouseline
20,5 x 15 cm

Katharina Bosse
Dean Martin Room, 1999
C-Print
100 x 75 cm