La galerie anne barrault est heureuse d’accueillir une nouvelle exposition personnelle de Manuela Marques, avec un ensemble inédit de photographies et une vidéo.
Lors de séjours prolongés dans l’archipel des Açores, Manuela Marques s’est concentrée sur la dimension volcanique de la région. Elle s’y est plongée grâce à un travail mené avec différentes institutions scientifiques d’observation sismique telles que l’Observatoire Afonso Chaves de Ponta Delgada ou l’Instituto Português do Mar e da Atmosfera de l’île de Faial. Ce qui compte avant tout, est bien l’énergie ici à l’œuvre, sa ferveur, mettant à l’épreuve les êtres qui peuplent le littoral accidenté et complexe. Ce dont me parle l’artiste, c’est bien de sensations, de tremblements, à l’écoute des failles sismiques. Manuela Marques cherche donc en priorité, comme elle le dit, « à être au plus juste avec la nature ». Cette justesse est celle d’un regard qui prend fait et cause pour ce qu’il convoite, qui se met à la place de ce qu’il observe, sans verticalité ni anthropocentrisme. Il s’agit d’une co-présence au monde qui passe par une juste distance, une attention à l’infime et au particulier, et bien entendu à l’invisible.
Lorsque Manuela Marques parle de ligne de faille (qui devient aussi le titre d’une photographie), elle emploie l’expression au sens géologique de brisure de la masse rocheuse, mais aussi au sens existentiel : la ligne de faille est une ligne de bifurcation. Elle ouvre toute une métaphysique des chemins de traverse et de la poursuite des dévoilements par le travail artistique. Personne n’est à l’abri d’une réplique, d’un tremblement de terre, qui est toujours une réponse bouleversante. Fondamentalement, l’enjeu est ce que l’artiste appelle un « registre d’inquiétude », une propension à ne jamais se sentir confortablement à l’abri : le volcan, à la fois physiquement et métaphoriquement, révèle une instabilité immense, une constante imprévisibilité, puisqu’il est en mesure de tout bouleverser dans l’instant, sans que nous puissions être tout à fait préparés. « Les volcans ont beau être sous surveillance permanente, nous serons toujours en retard sur leur potentiel action dévastatrice », précise l’artiste. Et cela m’évoque un souvenir littéraire : l’ascension houleuse des pentes de l’Etna que fit Georges Bataille en compagnie de Colette Peignot en 1937[1], et qui fut pour lui la découverte exorbitante d’un « cratère immense et sans fond » en une « blessure béante », une « fêlure » de flammes et de cendres. Géographie et sentiment de l’existence communiquent.
extrait du texte « Conversation Atlantique » de Léa Bismuth publié dans le livre Echoes of Nature de Manuela Marques aux éditions Loco (2022).
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[1] Georges Bataille relate cet épisode dans « Le Coupable, Fragments retrouvés sur Laure », in Ecrits de Laure, Pauvert, 1977, page 289
Manuela Marques
Passage 4, 2022
impression pigmentaire sur papier baryté, cadre et verre musée
65 x 48,6 cm
Ed. 1/3 + 2EA
Manuela Marques
Île 5, 2022
impression pigmentaire sur papier baryté, cadre et verre musée
48 x 64 cm
Ed. 1/3 + 2EA
vue de l’exposition Répliques de Manuela Marques, galerie anne barrault
(photo Aurélien Mole)
Manuela Marques
Topographies (polyptyque) , 2022
ensemble de 9 photographies
65 x 97,5 cm une photographie / 200 x 300 cm l’ensemble des 9 photographies