Liv Schulman

The New Inflation

9 avril - 22 mai 2022


La galerie anne barrault est heureuse de présenter la première exposition personnelle de Liv Schulman.

Pendant l’été 2021, Liv Schulman a réalisé un film avec des comédiennes et comédiens amateurs dans la ville de Omaha dans le Nebraska.
The New Inflation est une œuvre filmique mais également une installation qui rassemblera céramiques, marionnettes, chaises et plancher en bois.

« L’inflation est pour moi un récit économique et affectif particulier à un pays. Ce phénomène économique régit le mode de vie des argentins. Il est intrinsèquement lié à la relation du pays avec la dette et avec les États-Unis.Je peux dire que l’inflation est notre folie nationale, elle est très féroce. Elle crée un système de pensée complexe avec ses propres conséquences dans le temps et ses propres récits de notre histoire et notre avenir. »
Liv Schulman

Chère Liv,

Je t’envoie cet email pour te dire que je ne suis pas certain de pouvoir écrire le communiqué de presse pour ton exposition « The New Inflation » à la galerie Anne Barrault. J’ai bien conscience que la deadline pour le texte en question est déjà passée depuis 10 jours.

Je suis vraiment désolé de t’abandonner comme ça. Nous venons justement de discuter de ce phénomène, l’extrême volatilité des engagements. Mon attention est dispersée, les projets s’accumulent, les obstacles aussi. Nous avons parlé de la manière dont les difficultés que nous pouvons rencontrer résonnent avec nos projets, comment les contextes d’invitation, de production, d’exposition ont autant d’importance que la pièce elle-même, comment il faut apprendre et réapprendre à faire des œuvres différemment dans un environnement défaillant et hostile.

Tu aimes quand je te parle de notre milieu défaillant et hostile et j’aime quand tu dis : « Voilà ! »
J’ai tout de même pris des notes, et pensé à des pistes pour ton texte. Je te les joins si tu souhaites les transmettre à quelqu’un qui reprendrait la mission (si c’est pas déjà mort). C’est le minimum — mais aussi le maximum — que je puisse faire. La conversation que nous avons eu ensemble était intense; j’ai adoré la manière dont tu as parlé du film, de l’expo, de la genèse du projet, de sa transformation, de la crise économique de 2001 en Argentine, de l’impérialisme, du colonialisme, du peso et du dollar, de l’inflation, du red lining, du duc d’Orléans et ses titres de 1721 pour le futur, du centre d’art d’Omaha qui périclite, de Warren Buffet qui finance la région avec des vaches et du soja, des avions qui s’annulent en chaine, de l’histoire d’amour queer ignorée, du fait que tu pensais aller en résidence à Chicago et non à Omaha, faire une performance et non un film, de l’injustice sociale, des trous noirs autour de nous quand on discute, des greffes d’organes, de l’inflation de l’univers à l’origine du Big Bang, de la privatisation de toutes choses. C’était une conversation en expansion, une inflation d’informations, d’idées, d’anecdotes, tout se connectait parfaitement, c’était limpide, j’aurais vraiment dû enregistrer !

Voici ce que j’ai en vrac :
Il faut parler absolument des marionnettes FOMO et FIMO, on s’en fout des spoilers non ? Fear of Missing Out et Fear In Moving On (d’ailleurs tu es sûre que c’est correct en anglais ?). Elles me hantent, je crois que c’est la clef du film, ou la ligne de fuite ?

Il faut penser à décrire l’espace de la galerie, le sol recouvert de grandes planches en bois trouées, les vitrines de la galerie obstruées par ces contreplaqués qui rappellent les protections des magasins au moment des manifestations gilets jaunes. Le fait qu’on puisse voir le film depuis la rue à travers les trous du CP. Je me demande si on ne voit pas mieux un film quand on doit surmonter un obstacle pour l’atteindre, ça concentre l’attention. C’est ça l’idée des trous ? De l’attention dans la dispersion ? Les costumes sont troués eux aussi. Tu parlais de morceaux d’incompréhension dans la trame qui créent de nouvelles narrations, non ?

Je pense que c’est bien de mentionner cette histoire de générique de Twin Peaks, comment Angelo Badalamenti a composé la musique du générique en ajoutant des notes ou ensemble de notes à mesure que Lynch lui décrivait des scènes, et comment Sylvie Fortin, la commissaire du Bemis Art Center, a fait pareil en ajoutant graduellement des éléments à la proposition: une performance; en trois actes; sur l’économie; avec des comédien.ne.s loca.ux.ales et comment tu as accepté chaque extension en complétant la partition.

J’aime bien la liste des acteur.ices du film et des personnages, (il me manque la liste des acteurs, j’ai les personnages:) Myneeds, Rockbottom, Flaw, Wrong, Best Intentions.

Cette liste, je m’y reconnais, c’est une version composite de moi, une partition de mes difficultés, incapacités, envies, et aussi, finalement du faux plan que je te fais. Il faut croire que tu l’avais anticipé ! Ces personnages co-habitent le film comme ils nous cohabitent, parce que tu composes une expérience complexe et diverse plutôt qu’unidimensionnelle et normative.

Voilà !

je suis vraiment désolé, tu sais

désolé

phoenix

Phoenix Atala*, février 2022

*Phoenix Atala est un artiste queer franco-marocain. Après avoir été le troisième membre de Grand Magasin dans les années 2000 il poursuit ses activités de déconstruction expérimentale en semi-solo en produisant des films, jeux vidéo, et performances. Depuis 2019 il enseigne à l’ebabx et est en résidence aux Laboratoires d’Aubervilliers pour le projet Défaillance Critique.



Liv Schulman
The New Inflation, 2021
video 4k
TBD

 

Le film The New Inflation est né des recherches de Liv Schulman sur les multiples significations du terme « inflation ». Le plus souvent, ce mot est compris comme un terme économique, il signifie l’augmentation du niveau général des prix sur les marchés mondiaux. Mais le terme « inflation » est également utilisé pour décrire l’expansion de l’univers lors de sa création. Cet événement a duré 10 secondes après le big bang. Aujourd’hui, l’univers continue de se dilater, mais à un rythme moins rapide.

 » L’inflation, est pour moi un récit économique et affectif particulier. Ce phénomène économique régit le mode de vie des citoyens argentins. Il est intrinsèquement lié à la relation du pays avec les États-Unis. En tant qu’argentine, je peux dire que l’inflation est notre folie nationale, et qu’elle est très féroce. Elle crée un système de pensée complexe avec ses propres conséquences dans le temps et ses propres récits de notre histoire et notre avenir. »

The New Inflation est un long métrage qui prend place dans un espace performatif.
Il utilise plusieurs couches de systèmes narratifs. Grâce à un groupe d’actrices et d’acteurs et à l’utilisation de sculptures, le film prend la forme d’un stand-up collectif drôle et déprimant.
« Je tente de dessiner le portrait d’une économie désenchantée, basée sur le principe de l’erreur et de la dépendance. »

Cette série de saynètes prend racine dans différentes hétérotopies, telles que les bureaux de douane à la frontière d’un pays, le cosmos des connaissances que les économies informelles peuvent produire, les différentes conquêtes des Amériques et l’urgence de la logique anti-logique comme monnaie.

En utilisant l’idée de la crise comme ressource, nous nous éloignons du phénomène très connu de la dévaluation pour explorer une mythologie : l’inflation.

L’inflation crée de nouvelles formes de relations, de nouvelles décorations intérieures, de nouveaux papiers peints, de nouveaux contrôles aux frontières, de nouvelles formes d’expressions politiques, de nouvelles relations au langage et de nouveaux fantasmes qui accompagnent les nouveaux marchés.
Et l’inflation peut être aussi considérée comme lien entre l’individu et l’univers.
Dans une forme frénétique de narration, le récit s’appuie sur les erreurs globales comme forme de positivité, formant un système de pensée basé sur l’idée de l’erreur comme opportunité, et permettant aux signifiants de glisser les uns dans les autres par similitude. Ici, une masse d’histoires convergent vers une lecture possible d’une forme d’économie aussi globale que personnelle.

Dans The New Inflation, les actrices et acteurs sont des amateurs.es. Dans la vie de tous les jours, ils sont enseignants, infirmiers, ou encore assureurs. Ces actrices et acteurs jouent tous les personnages du film, incarnant des identités dans la réalité de ce dernier, un actif circulatoire et inflationniste qui devient interchangeable. Ces personnages (Rockbottom, Flaw, Myneeds, Wrong et Best Intentions) sont indiqués par l’utilisation d’un accessoire qui s’adapte au commédien.ne qui, en le portant, devient une énergie rotative d’un certain type d’information. The New Inflation a été tourné à Omaha, Nebraska, aux États-Unis, berceau de Malcom X, Warren Buffet et Marlon Brando.

Le Centre d’art Bemis pour les arts contemporains a accueilli ce projet sous la direction de Sylvie Fortin, commissaire et critique d’art.

Le projet, initialement pensé comme une performance live en trois épisodes s’est déroulé pendant toute une année de pandémie, ce qui l’a amené à se muter en un long métrage.

Liv Schulman, (Paris, novembre 2021)

vue d’exposition
(photographie Aurélien Mole)


vue d’exposition
(photographie Aurélien Mole)


vue d’exposition
(photographie Aurélien Mole)

Liv Schulman
FIMO, 2021
verre, bois, céramique, charnières en métal, textile
135 x 30 cm


Liv Schulman
Chemise, 2022
céramique 
devant : 95 x 90 x 25 cm


Liv Schulman
Tabouret n°2, 2022
résine, acrylique, papier mâché et santiags
65 x 45 x 35 cm


Avec le soutien aux galeries / première exposition du Centre national des arts plastiques