David Renaud, dont le travail questionne la perception de la géographie et sa représentation matérielle et abstraite sous forme de cartes, de reliefs ou de peintures, présente aujourd’hui une exposition personnelle à la galerie anne barrault.
Dans l’espace de la galerie, une vidéo telle une nuée de soleils pourpres éclaire par sa projection un grand relief double et blanc: l’Everest,( Sagarmatha, « le front du ciel », en sanscrit).
L’Everest: utopie géographique, rêve du XIX ème siècle, qui s’inscrit dans le paradoxe d’un monde dont l’accès devient aujourd’hui de plus en plus banalisé, fréquenté, où les zones inconnues se déplacent vers des territoires virtuels.
Mais aussi, ce mont, comme un parangon géographique lié à l’Histoire et à la politique, à ses rivalités et ses convoitises. Un espace « record », que l’on perçoit à travers les chiffres et l’image que la géographie nous en donne, plus que par l’expérience physique que l’on peut en avoir.
Ici, l’Everest se tient en pur objet, réalisé en bois, peint en blanc, il surgit en un pic minimaliste où chaque dénivellation devient une variation supplémentaire, faisant écho à celles des bulbes mouvants de la vidéo qui se projette sur le mur… Des motifs se répètent et se décalent lentement, comme dans les musiques répétitives et psychédéliques.
Expérimenter la réplique de l’univers dans une ambivalence du point de vue : se sentir hors du paysage (on saisit une vue d’ensemble comme avec une carte), dans sa vision globale et rationnelle, et en même temps, être perdu à l’intérieur (les échelles et les légendes disparaissent), comme dans un espace «réel» et donc, forcément subjectif.
Accentuer l’artificialité : les cercles de la vidéo projection, ces «Psycho reliefs» qui s’ouvrent et se ferment, ressemblent à des étoiles mais n’en sont pas, la montagne la plus haute du monde est réduite à l’échelle de l’homme, en un décor presque parfait, où ce «presque» serait peut – être la clé du mystère.
Les variations de lumière et de rythme, la marque du passage d’un temps numérique sur la montagne, détournent l’expérience visuelle, qui à chaque pulsation, transforme l’installation et la perception du spectateur.
Félicia Atkinson